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Le train à travers les textes...

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Hélène
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Message par Hélène Mar 18 Nov - 7:34

Ce fil est destiné à tous les textes à travers la littérature, poésie, sociologie etc... qui évoquent le train...


Dernière édition par Hélène le Dim 14 Nov - 9:32, édité 1 fois
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Message par Hélène Mar 18 Nov - 7:58

Fernand Braudel (1902-1905 ) est un des historiens de poids du XX è siècle. Un de ses ouvrages de référence est " L'identité de la France " où il étudie l'évolution de celle-ci à travers le temps. J'ai trouvé le paragraphe consacré à l'évolution du chemin de fer très intéressant et je le mets ici même s'il est très long...
En regardant la façon dont le chemin de fer a supplanté les autres moyens de transport (diligence etc...) , on mesure depuis l'évolution contraire due au "tout automobile " ...Quid de la prochaine étape à l'heure des enjeux environnementaux ?...



Fernand Braudel (1902-1985 ) L'identité de la France p 256 à 261

Avant et après les chemins de fer

(...)
La Révolution fera l'unité administrative du territoire. elle ne réglera pas pour autant ses difficultés de transport. Ce que l'Ancien Régime, puis 1789, l'Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet n'ont pu réaliser, malgré la poussée drue de l'économie nationale et l'extension d'une révolution industrielle en retard mais réelle, le chemin de fer va l'accomplir, comme de lui-même , au-delà des années 1840. Cette fois, la technique résoudra un problème devenu très difficile.

Quelle est, en effet, la situation vers 1830 ? Une vive montée des trafics fait apparaître comme dérisoires les exploits routiers du demi-siècle précédent. L'économiste Dunoyer décrit sans indulgence les routes françaises pleines d'ornières, dures, cahotantes, où "deux voitures ont quelquefois peine à se croiser" sans verser sur les bas-côtés. Qui plus est elles coûtent trop cher. Un seuil technique, un seuil financier semblent avoir été atteints. "Loin de s'améliorer de façon continue, le système devient de plus en plus inadapté aux nécessités nouvelles. " ( ref. T.Regazzola,J.Lefebvre)

Alors va naître le chemin de fer. Mais ne l'imaginez-pas construit peu à peu , comme nos autoroutes, selon un modèle de réseau national. Il naît d'initiatives industrielles locales, pour des transports miniers pondéreux. La Compagnie des Houillères de La Loire fut la première à en obtenir l'autorisation des Ponts et Chaussées. Sur le modèle anglais, elle construira des rails de fonte pour des voitures à traction animale qui transporteront jusqu'à Lyon la houille de Saint-Etienne (presque 300 000 tonnes extraites en 1812, mais 600 000 en 1825 ). La ligne purement minière ouverte en 1823, entre Andrézieux et Saint-Etienne (22 kilomètres) se prolonge en 1826 de Saint-Etienne à Lyon, et, en 1828, d'Andrézieux à Roanne. Rapidement cette jonction moderne entre Rhône et Loire admet voyageurs et marchandises. La vapeur y sera introduite en 1831 et, en 1836, elle transportait 170 000 voyageurs. (...)

Mais l'idée d'un réseau national, d'un chemin de fer qui serait "une révolution non seulement industrielle mais politique", multipliant "singuièrement les rapports des peuples et des cités", est vigoureusement défendue par les saint-Simoniens . ( ref Michiel Chevalier ) Elle fait rapidement son chemin dans les milieux bancaires et gouvernementaux et, en 1833, l'Etat retire aux Ponts et Chaussées les concessions de chemin de fer. Pourtant, pas plus que nos rois au temps des intendants et des routes royales, il ne veut en prendre la charge financière : il se réserve "d'éclairer la marche des compagnies privées " en dessinant lui-même le réseau. Un réseau en étoile, bien entendu, à partir de Paris : les données du passé routier saisissent la nouveauté ferroviaire dès son départ.

Toutefois, le réseau ferroviaire n'a pas la densité du réseau routier. Y figurer en bonne place, c'est l'enjeu que se disputent les villes , par l'intermédiaire d'hommes politiques, de capitalistes et d'ingénieurs. Ce sont des luttes au couteau, peu honnêtes souvent, une page noire de notre histoire. Par là , un nouveau deal s'est mis en place, dont l'avenir dépendra : Brive-la-Gaillarde, sur la ligne directe de Paris à Toulouse, va éclipser Tulle ; Grenoble l'emporte contre Chambéry ; Annecy est désenclavé, Besançon défavorisé etc. Une histoire différentielle s'élabore à partir de la voie ferrée et de l'industrialisation dont elle est, il est vrai, un élément essentiel, mais non le seul.

Qu'on n'imagine pas d'ailleurs le chemin de fer soulevant d'un coup la vie française. Au début, il est accueilli autant par le scepticisme des uns que par l'enthousiasme des autres. A propos de la ligne pionnière de Paris à Saint-Germain , construite en 1836, Adolphe Thiers parle de "montagnes russes" , de jouet pour l'amusement du public ! La même année Adolphe Blanqui , le frère du révolutionnaire, docte professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, affirme que "les chemins de fer seront toujours trop coûteux pour attirer les marchandises ".

Pourtant, long parfois à s'implanter dans les moeurs, ne serait-ce qu'à cause de ses tarifs élevés, le chemin de fer, greffé sur l'ancien système de circulation , n'a jamais été non plus l'objet d'un "rejet " , comme nous dirions aujourd'hui. C'est que l'ancien système collabore avec le nouveau. Georges Duchêne, à une date tardive, en 1869, note que "dans l'industrie des transports, il y a encore concurrence entre les coucous, les pataches..., les charettes, les tombereaux qui prolongent sur terre la voie ferrée..." Entre ses tracés, celle-ci laisse des régions entières hors de ses atteintes; voitures, bêtes de somme y continuent la vie d'autrefois. On note même que le souci de relier les villages aux lignes ferroviaires a contribué au vif développement et à l'entretien des chemins vicinaux. Tandis que les grandes routes , doublées par le chemin de fer, tombent progressivement à l'abandon. Elles seront totalement dégradées vers 1900.

Il est vrai que la diligence ne pouvait lutter contre le chemin de fer. En octobre 1856, un rédacteur du Journal des débats écrivait à propose de l'inauguration d'une voie ferrée : "C'est quand on s'éloigne un peu des grands centres et quand on retombe sous la domination des diligences, des relais qui se font attendre, des postillons qui dorment, des traits qui cassent et qu'on racommode avec des ficelles, de la manivelle ou du sabot pour descendre des pentes et des crampes qui prennent les malheureux habitants de ces prisons cellulaires, c'est alors qu'on éprouve à quel point on a été gâté par les chemins de fer " A partir de 1860, les revendications locales de desserte ferroviaire deviennent telles que, finalement, l'Etat devra se résigner, vers 1880, à couvrir les frais d'un réseau capillaire : 19 000 kilomètres de petites lignes, présumées déficitaires et refusées par l'industrie privée. C'est l'annonce des futures nationalisations.

Les grandes routes auront leur revanche lorsque le train devra vivre, à son tour, avec et contre la concurrence automobile. Laquelle mettra d'ailleurs beaucoup de temps à l'éliminer des petites lignes. Durant la première guerre mondiale, camionnettes et camions, avec derrière eux de fantastiques panaches de poussière, transportaient hommes et matériels. Lors de l'épouvantable bataille de Verdun , au long de la Voie Sacrée, de Bar-Le-Duc à Verdun , ils ne cessaient de rouler dans les deux sens. Et cependant, restait en service ininterrompu le petit train à voie étroite - Le Varinot - qui reliait lui aussi, avec sa locomotive et ses wagons miniatures, Bar-Le-Duc à Verdun (...).


Dernière édition par Admin le Mer 19 Nov - 8:32, édité 1 fois
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Message par Hélène Mer 19 Nov - 7:26

Les Poètes du Ferroviaire...

Parler de poètes du ferroviaire est sans doute exagéré mais pourtant si beaucoup ont évoqué le voyage et donc parfois le train dans leurs oeuvres, ils sont moins nombreux à avoir manifesté un intérêt pour le monde ferroviaire en lui-même et Emile VERHAEREN est l'un de ceux-là...
Il se distingue de tous ceux qui ont surtout vu le plaisir des voyages , le train permettant simplement d'assouvir son désir de vivre l'aventure, la référence restant en la matière les grands trains de luxe...

Emile Verhaeren lui, né le 21 Mai 1855 en Belgique, est fasciné par l'essor du progrès dû à la révolution industrielle, l'explosion de l'activité ouvrière , l'urbanisation qui en résulte ...Et le train est une de ses composantes qui va donc traverser ses poèmes avec son cortège de suie, bruit assourdissant et odeurs...
Loin de toute ode bucolique, il va exprimer son lyrisme dans la description du quotidien des villes et sa foi en un avenir meilleur...
Ironie du sort , il mourra en 1916 en gare de Rouen où suite à une bousculade, il roulera sous un train.

Extraits des Villes Tentaculaires...

"(...)
Plus loin, un vacarme tonnant de chocs
Monte de l'ombre et s'érige par blocs ;
Et, tout à coup, cassant l'élan des violences,
Des murs de bruit semblent tomber
Et se taire, dans une mare de silence,
Tandis que les appels exacerbés
Des sifflets crus et des signaux
Hurlent soudain vers les fanaux,
Dressant leurs feux sauvages,
En buissons d'or, vers les nuages.
 
Et tout autour, ainsi qu'une ceinture,
Là-bas, de nocturnes architectures,
Voici les docks, les ports, les ponts, les phares
Et les gares folles de tintamarres ;
Et plus lointains encor des toits d'autres usines
Et des cuves et des forges et des cuisines
Formidables de naphte et de résines
Dont les meutes de feu et de lueurs grandies
Mordent parfois le ciel, à coups d'abois et d'incendies.
(...)
( Les usines )



Le monde est trépidant de trains et de navires.

De l'Est à l'Ouest, du Sud au Nord, 
Stridents et violents, 
Ils vont et fuient ;
Et leurs signaux et leurs sifflets déchirent 
L'aube, le jour, le soir, la nuit ; 
Et leur fumée énorme et transversale 
Barre les cités colossales 
Et la plaine et la grève et les flots et les cieux. 
Et le tonnerre sourd de leurs roulants essieux, 
Et le bruit rauque et haletant de leurs chaudières 
Font tressaillir, à coups tumultueux de gongs, 
Ici, là-bas, partout, jusqu'en son coeur profond, 
La terre.

Et le labeur des bras et l'effort des cerveaux 
Et le travail des mains et le vol des pensées, 
S'enchevêtrent autour des merveilleux réseaux 
Que dessine l'élan des trains et des vaisseaux, 
A travers l'étendue immense et angoissée. 
Et des villes de flamme et d'ombre, à l'horizon, 
Et des gares, de verre et de fonte se lèvent, 
Et de grands ports bâtis pour la lutte ou le rêve 
Arrondissent leur môle et soulèvent leurs ponts ; 
Et des phares dont les lueurs brusquement tournent 
Illuminent la nuit et rament sur la mer ; 
Et c'est ici Marseille, Hambourg, Glascow, Anvers, 
Et c'est là-bas Bombay, Singapour et Melbourne.
(...)

  ( La conquête )


On ne rencontre, au loin, qu' enclos rapiécés
 et chemins noirs de houille et de scories 
et squelettes de métairies

 et trains coupant soudain des villages en deux.

( La Plaine )



L'ombre s'installe, avec brutalité ;
Mais les ciseaux de la lumière, 
Au long des quais, coupent l'obscurité, 
A coups menus, de réverbère en réverbère.

La gare immense et ses vitraux larges et droits 
Brillent, comme une châsse, en la nuit sourde, 
Tandis que des voiles de suie et d'ombre lourde 
Choient sur les murs trapus et les hautains beffrois.

Et le lent défilé des trains funèbres 
Commence, avec leurs bruits de gonds 
Et l'entrechoquement brutal de leurs wagons, 
Disparaissant - tels des cercueils - vers les ténèbres.

Des cris ! - Et quelquefois de tragiques signaux, 
Par-dessus les adieux et les gestes des foules. 
Puis un départ, puis un arrêt - et le train roule 
Et roule avec des bruits de lime et de marteaux.

La campagne sournoise et la forêt sauvage 
L'absorbent tour à tour en leur nocturne effroi ;
Et c'est le mont énorme et le tunnel étroit 
Et la mer tout entière, au bout du long voyage.

A l'aube, apparaissent les bricks légers et clairs, 
Avec leur charge d'ambre et de minerai rose 
Et le vol bigarré des pavillons dans l'air 
Et les agrès mentis où des aras se posent.

Et les focs roux et les poupes couleur safran,
Et les câbles tordus et les quilles barbares,
Et les sabords lustrés de cuivre et de guitran
Et les mâts verts et bleus des îles Baléares,

Et les marins venus on ne sait d'où, là-bas, 
Par au delà des mers de faste et de victoire, 
Avec leurs chants si doux et leurs gestes si las 
Et des dragons sculptés sur leur étrave noire.

Tout le rêve debout comme une armée attend : 
Et les longs flots du port, pareils à des guirlandes,
Se déroulent, au long des vieux bateaux, partant 
Vers quelle ardente et blanche et divine Finlande.

Et tout s'oublie - et les tunnels et les wagons
Et les gares de suie et de charbon couvertes -
Devant l'appel fiévreux et fou des horizons 
Et les portes du monde en plein soleil ouvertes.


  ( Plus loin que les gares, le soir  )





Le train à travers les textes... 800px-10

( Theo van Rysselberghe (1862-1926), Une lecture d' Emile Verhaeren 1901 )
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Message par Hélène Jeu 20 Nov - 8:38

Un autre poète qui a célébré le monde ferroviaire est Blaise Cendrars ( de son vrai nom Frédéric Sauser ). Peut-être parce qu'il a découvert de bonne heure l'aventure avec le train... ( Né en Suisse le 01 Septembre 1887, à 16 ans il fait une fugue en prenant un train qui le mène à Moscou puis , toujours clandestinement le Transsibérien jusqu'en Chine. ) Mais aussi parce qu'il est fasciné par ce monde moderne qu'il découvre, en cotoyant le meilleur ( le voyage et les grands espaces ...) et le pire ( la guerre de 1914 où il s'engage dans la Légion et perd le bras droit )...Ce qui le mènera du roman au journalisme...
Mort en 1961, son poème le plus célèbre est " La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France " écrit en 1913.

Quelques extraits :

(...)
En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d'Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu'au bout.
(...)
Et pourtant, et pourtant
J'étais triste comme un enfant
Les rythmes du train
La "moelle chemin-de-fer" des psychiatres américains
Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés
Le ferlin d'or de mon avenir
Mon browning le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d'à côté
L'épatante présence de Jeanne
L'homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature !
Et derrière, les plaines sibériennes le ciel bas et les grands ombres des taciturnes qui montent et qui descendent
Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais
Et l'Europe toute entière aperçue au coupe-vent d'un express à toute vapeur
(...)
J'ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Et l'école buissonnière dans les gares, devant les trains en partance
Maintenant, j'ai fait courir tous les trains derrière moi
Bâle-Tombouctou
J'ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
Paris New York
Maintenant j'ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
Madrid-Stokholm
Et j'ai perdu tous mes paris
Il n'y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du Sud
Je suis en route
J'ai toujours été en route
Le train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses roues
Le train retombe sur ses roues
Le train retombe toujours sur toutes ses roues
(...)
J''ai vu
J'ai vu les trains silencieux les trains noirs qui revenaient de l'Extrême-Orient et qui passaient en fantôme
Et mon oeil, comme le fanal d'arrière, court encore derrière ses trains
A Talga 100 000 blessés agonisaient faute de soins
J'ai visité les hôpitaux de Krasnoïarsk
Et à Khilok nous avons croisé un long convoi de soldats fous
J'ai vu dans les lazarets les plaies béantes les blessures qui saignaient à pleines orgues
Et les membres amputés dansaient autour ou s'envolaient dans l'air rauque
L'incendie était sur toutes les faces dans tous les cœurs
Des doigts idiots tambourinaient sur toutes les vitres
Et sous la pression de la peur les regards crevaient comme des abcès
Dans toutes les gares on brûlait tous les wagons
Et j'ai vu
J'ai vu des trains de soixante locomotives qui s'enfuyaient à toute vapeur pourchassés par les horizons en rut et des bandes de corbeaux qui s'envolaient désespérément après
Disparaître
Dans la direction de Port-Arthur.
(...)

Pour lire ce texte plein de bruit et passion en entier poème

Une vie d'aventure racontée dans ce livre par sa fille


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Message par Hélène Ven 21 Nov - 8:07

Le 3ème de ces poètes qui a exprimé dans ses oeuvres son amour et sa fascination pour les voyages en train est Valéry Larbaud (1881-1875). Après le chemin de fer au quotidien de Verhaeren, l'aventure avec Cendrars, on est ici dans le luxe et donc bien sûr l'Orient-express mais aussi les voyages plus proches puisque sa santé fragile l'obligeait à fréquenter les stations thermales..La fortune familiale lui permet de parcourir l'Europe en bateau et en train. Mais une hémorragie cérébrale le rend hémiplégique et aphasique en 1935 et l'immobilise dans un fauteuil pour le reste de sa vie.
Il a créé avec le personnage de Barnabooth son double littéraire et voyageur, un riche américain qui voyage à travers le monde. " Les Poésies de A.O.Barnabooth " se composent de deux parties : " Les borborygmes" et "Europe"

Dans "Ode", s'exprime son amour pour l'Orient-Express que l'on va retrouver chez tant d'écrivains...

Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée,
Ô train de luxe ! et l'angoissante musique
Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré,
Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de cuivre lourd,
Dorment les millionnaires.
Je parcours en chantonnant tes couloirs
Et je suis ta course vers Vienne et Budapesth,
Mêlant ma voix à tes cent mille voix,
Ô Harmonika-Zug !
J'ai senti pour la première fois toute la douceur de vivre,
Dans une cabine du Nord-Express, entre Wirballen et Pskow .
On glissait à travers des prairies où des bergers,
Au pied de groupes de grands arbres pareils à des collines,
Etaient vêtus de peaux de moutons crues et sales.
(huit heures du matin en automne, et la belle cantatrice
Aux yeux violets chantait dans la cabine à côté.)
Et vous, grandes places à travers lesquelles j'ai vu passer la Sibérie et les monts du Samnium ,
La Castille âpre et sans fleurs, et la mer de Marmara sous une pluie tiède !
Prêtez-moi, ô Orient-Express, Sud-Brenner-Bahn , prêtez-moi
Vos miraculeux bruits sourds et
Vos vibrantes voix de chanterelle ;
Prêtez-moi la respiration légère et facile
Des locomotives hautes et minces, aux mouvements
Si aisés, les locomotives des rapides,
Précédant sans effort quatre wagons jaunes à lettres d'or
Dans les solitudes montagnardes de la Serbie,
Et, plus loin, à travers la Bulgarie pleine de roses.
Ah ! il faut que ces bruits et que ce mouvement
Entrent dans mes poèmes et disent
Pour moi ma vie indicible, ma vie
D'enfant qui ne veut rien savoir, sinon
Espérer éternellement des choses vagues.

Mais le regard de V.Larbaud sait s'attarder sur la face plus humble du chemin de fer et la célébrer avec le même lyrisme, comme dans ce très beau poème au charme bien éloigné des "couloirs de cuir doré" ...


L’Ancienne Gare de Cahors

Voyageuse ! ô cosmopolite à présent
Désaffectée, rangée, retirée des affaires.
Un peu en retrait de la voie,
Vieille et rose au milieu des miracles du matin,
Avec ta marquise inutile
Tu étends au soleil des collines ton quai vide
(Ce quai qu’autrefois balayait
La robe d’air tourbillonnant des grands express)
Ton quai silencieux au bord d’une prairie,
Avec les portes toujours fermées de tes salles d’attente,
Dont la chaleur de l’été craquèle les volets...
Ô gare qui as vu tant d’adieux,
Tant de départs et tant de retours,
Gare, ô double porte ouverte sur l’immensité charmante
De la Terre, où quelque part doit se trouver la joie de Dieu
Comme une chose inattendue, éblouissante ;
Désormais tu reposes et tu goûtes les saisons
Qui reviennent portant la brise ou le soleil, et tes pierres
Connaissent l’éclair froid des lézards ; et le chatouillement
Des doigts légers du vent dans l’herbe où sont les rails
Rouges et rugueux de rouille,
Est ton seul visiteur.
L’ébranlement des trains ne te caresse plus :
Ils passent loin de toi sans s’arrêter sur ta pelouse,
Et te laissent à ta paix bucolique, ô gare enfin tranquille
Au cœur frais de la France.




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Message par Hélène Lun 24 Nov - 8:15

Gérard Boutet, journaliste-écrivain a récolté la parole d'une France en train de disparaître et écrit plusieurs livres-témoignages sur cette ruralité qui était la France dominante d'il n'y a pas si longtemps, et qui est devenue aujourd'hui curiosité historique... Conteur, il a sû mettre par écrit les mots de ces petites gens...

Dans le livre "métiers insolites " ( ed. De Borée ) il répertorie ainsi quelques petits métiers dont certains nous semblent bien étranges, voire cocasses : coupeur de cochon, fourmilleur etc...

J'aime beaucoup la phrase mise en en-tête de ce livre :
" Je suis devenu un moissonneur de mémoires "

L'un des récits concerne le métier de traminot dans les années 1916 dans la région d'Orléans...

Un extrait :

(...)
Dés que la rame approchait de la place Gambetta, son chef se hâtait de descendre en marche. il courait devant le convoi en agitant son drapeau rouge pour que stoppent les fiacres et les automobiles à pétrole, les vélocipèdes et les tramways de ville. Car vous le comprenez, il ne s'agissait ni de casser l'élan, ni d'affaiblir la pression sur ces fichus boulevards qui grimpaient et qui tournaient tout à la fois ! Le chef de train ressautait sur le marchepied de la machine dès que le passage paraissait libre, pas avant.
L'obstacle le plus redouté des mécaniciens se drossait devant les abattoirs. Une épreuve perfide , un piège sournois qui déclenchait les moqueries des badauds, un traquet où s'engluait la fierté des meilleurs conducteurs...La déveine s'abattait toujours en période de franc soleil, à l'endroit prècis où séchaient les peaux que les tueurs de bestiaux étendaient à même la chaussée, à quelques enjambées seulement de la voie. Par temps chaud en effet ces peaux dégageaient une poussière grasse qui se déposait sur les rails. C'était alors l'opprobe. La machine renâclait et "s'essuyait les pieds" quand ses roues se mettaient à patiner. Le convoi n'avançait plus. Parfois même reculait. Et les bourgeois de se fendre la pipe : " Le tacot vient de planter un chou !" rigolaient-ils. Le chef de train, lui se démenait comme un diable dans un bénitier. Il s'élançait vers la voiture de queue, en bloquait les freins, puis écourtait la rame en son milieu. La locomotive crachotait quelques escarbilles de mécontentement, ahanait une bordée de fumeuses injures et repartait enfin cahin-caha en abandonnant derrière elle la moitié de traîne qu'elle reviendrait bientôt secourir.
(...)

La journée débutait à cinq heures du matin par l'embarquement des marchandises en gare du P.O.; elle ne s'achevait que vers les huit heures du soir, parfois même longtemps plus tard. René Bire, promu chef de train à quinze ans, ne disposait que de trois mercredis de congé par mois, si bien qu'en deux ans et demi il n'eut aucun dimanche à lui. A dix-sept ans, quand il cessera de rouler, il aura perdu de vue la plupart de ses copains d'enfance, et pire, ignorera tout des danses qui enchanteront les jeunesses de l'époque. Un sérieux handicap pour un adolescent en âge de courir les filles !

Un train se composait d'une locomotive Corpet-Louvet type 030, à trois essieux moteurs accouplés, d'un fourgon et ordinairement de trois voitures de voyageurs.
(...)


Le train à travers les textes... Sans_t12

( Photo du livre )
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Message par Hélène Lun 24 Nov - 17:51

Marcel SCHWOB est un écrivain français né à Chaville le 23 août 1867, décédé à Paris le 12 février 1905. Il a écrit également une série de petits contes curieux dont celui-ci :

Le Train 081

( collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux ( Diffusion libre et gratuite (freeware) ) http://www.bmlisieux.com/sommaire.htm )

Du bosquet où j'écris, la grande terreur de ma vie me paraît lointaine. Je suis un vieux retraité qui se repose les jambes sur la pelouse de sa maisonnette ; et je me demande souvent si c'est bien moi - le même moi - qui ait fait le dur service de mécanicien sur la ligne P.-L.-M., - et je m'étonne de n'être pas mort sur le coup, la nuit du 22 septembre 1865.

Je peux dire que je le connais, ce service de Paris à Marseille. Je mènerais la machine les yeux fermés, par les descentes et les montées, les entrecroisements de voies, les embranchements et aiguillages, les courbes et les ponts de fer. De chauffeur de troisième classe j'étais arrivé mécanicien de première, et l'avancement est bien long. Si j'avais eu plus d'instruction, je serais sous-chef de dépôt. Mais quoi ! sur les machines on s'abêtit ; on peine la nuit, on dort le jour. De notre temps la mobilisation n'était pas réglée, comme maintenant ; les équipes de mécaniciens n'étaient pas formées : nous n'avions pas de tour régulier. Comment étudier ? Et moi surtout : il fallait avoir la tête solide pour résister à la secousse que j'ai eue.

Mon frère, lui, avait pris la flotte. Il était dans les machines des transports. Il était entré là-dedans avant 1860, la campagne de Chine. Et la guerre finie, je ne sais comment il était resté dans le pays jaune, vers une ville qu'on nomme Canton. Les Yeux-Tirés l'avaient gardé pour leur mener des machines à vapeur. Sur une lettre que j'avais reçue de lui en 1862, il me disait qu'il était marié, et qu'il avait une petite fille. Je l'aimais bien mon frère, et cela me faisait deuil ne ne plus le voir ; et nos vieux aussi n'en étaient point contents. Ils étaient trop seuls, dans leur petite cahute, en campagne, tirant sur Dijon ; et, leurs deux gars partis, ils dormaient tristement l'hiver, à petits coups, au coin du feu.

Vers le moi de mai 1865, on a commencé à s'inquiéter à Marseille de ce qui se passait au Levant. Les paquebots qui arrivaient apportaient de mauvaises nouvelles de la mer Rouge. On disait que le choléra avait éclaté à la Mecque. Les pèlerins mouraient par milliers. Et puis la maladie avait gagné Suez, Alexandrie ; elle avait sauté jusqu'à Constantinople. On savait que c'était le choléra asiatique : les navires restaient en quarantaine au lazaret ; tout le monde était dans une crainte vague.

Je n'avais pas grande responsabilité là-dessus ; mais je peux dire que l'idée de voiturer la maladie me tourmentait beaucoup. Sûr, elle devait gagner Marseille ; elle arriverait à Paris par le rapide. Dans ce temps-là, nous n'avions pas de boutons d'appel pour les voyageurs. Maintenant, je sais qu'on a installé des mécanismes fort ingénieux. Il y a un déclenchement qui serre le frein automatique, et au même moment une plaque blanche se lève en travers du wagon comme une main, pour montrer où est le danger. Mais rien de semblable n'existait alors. Et je savais que si un voyageur était pris de cette peste d'Asie qui vous étouffe en une heure, il mourrait sans secours, et que je ramènerais à Paris, en gare de Lyon, son cadavre bleu.

Le mois de juin commence, et le choléra est à Marseille. On disait que les gens y crevaient comme des mouches. Ils tombaient dans la rue, sur le port, n'importe où. Le mal était terrible ; deux ou trois convulsions, un hoquet sanglant, et c'était fini. Dès la première attaque, on devenait froid comme un morceau de glace ; et les figures des gens morts étaient marbrées de taches larges comme des pièces de cent sous. Les voyageurs sortaient de la salle aux fumigations avec un brouillard de vapeur puante autour de leurs vêtements. Les agents de la Compagnie ouvraient l'oeil ; et dans notre triste métier nous avions une inquiétude de plus.

Juillet, août, la mi-septembre se passent ; la ville était désolée, - mais nous reprenions confiance. Rien à Paris jusqu'à présent. Le 22 septembre au soir, je prends la machine du train 180 avec mon chauffeur Graslepoix.

Les voyageurs dorment dans leurs wagons, la nuit, - mais notre service, à nous, c'est de veiller, les yeux ouverts, tout le long de la voie. Le jour, pour le soleil, nous avons de grosses lunettes à cage, encastrées dans nos casquettes. On les appelle des lunettes mistraliennes. Les coques de verre bleu nous garantissent de la poussière. La nuit, nous les relevons sur notre front ; et avec nos foulards, les oreilles de nos casquettes rabattues et nos gros cabans, nous avons l'air de diables montés sur des bêtes aux yeux rouges. La lumière de la fournaise nous éclaire et nous chauffe le ventre ; la bise nous coupe les joues ; la pluie nous fouette la figure. Et la trépidation nous secoue les tripes à nous faire perdre haleine. Ainsi caparaçonnés, nous nous tirons les yeux dans l'obscurité à chercher les signaux rouges. Vous en trouverez bien de vieillis dans le métier que le Rouge a rendus fous. Encore maintenant, cette couleur me saisit et m'étreint d'une angoisse inexprimable. La nuit souvent je me réveille en sursaut, avec un éblouissement *rouge* dans les yeux : effrayé, je regarde dans le noir - il me semble que tout craque autour de moi, - et d'un jet le sang me monte à la tête ; puis je pense que je suis dans mon lit, et je me renfonce entre mes draps.

Cette nuit-là, nous étions abattus par la chaleur humide. Il pleuvotait à gouttes tièdes ; le copain Graslepoix enfournait son charbon par pelletées régulières ; la locomotive ballait et tanguait dans les courbes fortes. Nous marchions 65 à l'heure, bonne vitesse. Il faisait noir comme dans un four. Passé la gare de Nuits, et roulant sur Dijon, il était une heure du matin. Je pensais à nos deux vieux qui devaient dormir tranquillement, quand tout à coup j'entends souffler une machine sur la double voie. Nous n'attendions entre Nuits et Dijon, à une heure, ni train montant, ni train descendant.

- Qu'est-ce que c'est que ça, Graslepoix ? dis-je au chauffeur. Nous ne pouvons pas renverser la vapeur.
- Pas de pétard, dit Graslepoix : c'est sur la double voie. On peut baisser la pression.

Si nous avions eu, comme aujourd'hui, un frein à air comprimé... lorsque soudain, avec un élan subit, le train de la double voie rattrapa le nôtre et roula de front avec lui. Les cheveux m'en dressent quand j'y pense.

Il était tout enveloppé d'un brouillard rougeâtre. Les cuivres de la machine brillaient. La vapeur fusait sans bruit sur le timbre. Deux hommes noirs dans la brume s'agitaient sur la plate-forme. Ils nous faisaient face et répondaient à nos gestes. Nous avions sur une ardoise le numéro du train, marqué à la craie : 180. - Vis-à-vis de nous, à la même place, un grand tableau blanc s'étalait, avec ces chiffres en noir : 081. La file des wagons se perdait dans la nuit, et toutes les vitres des quatre portières étaient sombres.

- En voilà, d'une histoire ! dit Graslepoix. Si jamais j'aurais cru... Attends, tu vas voir.

Il se baissa, prit une pelletée de charbon, et le jeta au feu. - En face, un des hommes noirs se baissa de même et enfonça sa pelle dans la fournaise. Sur la brume rouge, je vis ainsi se détacher l'ombre de Graslepoix.

Alors une lumière étrange se fit dans ma tête, et mes idées disparurent pour faire place à une imagination extraordinaire. J'élevai le bras droit, - et l'autre homme noir éleva le sien ; je lui fis un signe de tête, - et il me répondit. Puis aussitôt je le vis se glisser jusqu'au marchepied, et je sus que j'en faisais autant. Nous longeâmes le train en marche, et devant nous la portière du wagon A. A. F. 2551 s'ouvrit d'elle-même. Le spectacle d'en face frappa seul mes yeux - et pourtant je sentais que la même scène se produisait dans mon train. Dans ce wagon, un homme était couché, la figure recouverte d'un tissu de poil blanc ; une femme et une petite fille, enveloppées de soieries brodées de fleurs jaunes et rouges, gisaient inanimées sur les coussins. Je me vis aller à cet homme et le découvrir. Il avait la poitrine nue. Des plaques bleuâtres tachaient sa peau ; ses doigts, crispés, étaient ridés et ses ongles livides ; ses yeux étaient entourés de cercles bleus. Tout cela, je l'aperçus d'un coup d'oeil, et je reconnus aussi que j'avais devant moi mon frère et qu'il était mort du choléra.

Quand je repris connaissance, j'étais en gare de Dijon. Graslepoix me tamponnait le front, - et il m'a souvent soutenu que je n'avais pas quitté la machine - mais je sais le contraire. Je criai aussitôt : «Courez au A. A. F. 2551 !» - et je me traînai jusqu'au wagon, - et je vis mon frère mort comme je l'avais vu avant. Les employés fuirent épouvantés. Dans la gare on n'entendait que ces mots : «Le choléra bleu !»

Alors Graslepoix emporta la femme et la petite, qui n'étaient évanouies que de peur, - et, comme personne ne voulait les prendre, il les coucha sur la machine, dans le poussier doux du charbon, avec leurs pièces de soie brodée.

Le lendemain, 23 septembre, le choléra s'est abattu sur Paris, après l'arrivée du rapide de Marseille.

..................................................................................................................................................................................................

La femme de mon frère est Chinoise ; elle a les yeux fendus en amande et la peau jaune. J'ai eu du mal à l'aimer : cela paraît drôle, une personne d'une autre race. Mais la petite ressemblait tant à mon frère ! Maintenant que je suis vieux et que les trépidations des machines m'ont rendu infirme, elles vivent avec moi, - et nous vivons tranquilles, sauf que nous nous souvenons de cette terrible nuit du 22 septembre 1865, où le choléra bleu est venu de Marseille à Paris par le train 081.
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Message par Hélène Mar 25 Nov - 9:02

Ray Bradbury est un écrivain de science-fiction dont le roman le plus connu est Fahrenheit 451. Il a écrit également de nombreuses nouvelles.

Le Dragon est extrait de "un remède à la mélancolie " (1948 )


Le vent de la nuit faisait frémir l’herbe rase de la lande ; rien d’autre ne bougeait. Depuis des siècles, aucun oiseau n’avait rayé de son vol la voûte immense et sombre du ciel. Il y avait une éternité que quelques rares pierres n’avaient, en s’effritant et en tombant en poussière, créé un semblant de vie. La nuit régnait en maîtresse sur les pensées des deux hommes accroupis auprès de leur feu solitaire. L’obscurité, lourde de menaces, s’insinuait dans leurs veines et accélérait leur pouls.

Les flammes dansaient sur leurs visages farouches, faisant jaillir au fond de leurs prunelles sombres des éclairs orangés. Immobiles, effrayés, ils écoutaient leur respiration contenue, mutuellement fascinés par le battement nerveux de leurs paupières. A la fin, l’un d’eux attisa le feu avec son épée.

- Arrête ! Idiot, tu vas révéler notre présence !
- Qu’est ce que ça peut faire? Le dragon la sentira de toute façon à des kilomètres à la ronde. Grands Dieux ! Quel froid ! Si seulement j’étais resté au château !
- Ce n’est pas le sommeil : c’est le froid de la mort. N’oublie pas que nous sommes là pour…
- Mais pourquoi, nous ? Le dragon n’a jamais mis le pied dans notre ville !
- Tu sais bien qu’il dévore les voyageurs solitaires se rendant de la ville à la ville voisine…
- Qu’il les dévore en paix ! Et nous, retournons d’où nous venons !
- Tais toi ! Écoute…

Les deux hommes frissonnèrent.
Ils prêtèrent l’oreille un long moment. En vain. Seul, le tintement des boucles des étriers d’argent agitées, telles des piécettes de tambourin, par le tremblement convulsif de leurs montures à la robe noire et soyeuse, trouait le silence. Le second chevalier se mit à se lamenter.
- Oh ! Quel pays de cauchemar ! Tout peut arriver ici ! Les choses les plus horribles… Cette nuit ne finira t elle donc jamais ? Et ce dragon ! On dit que ses yeux sont deux braises ardentes, son souffle, une fumée blanche et que, tel un trait de feu, il fonce à travers la campagne, dans un fracas de tonnerre, un ouragan d’étincelles, enflammant l’herbe des champs. À sa vue, pris de panique, les moutons s’enfuient et périssent piétinés, les femmes accouchent de monstres. Les murs des donjons s’écroulent à son passage. Au lever du jour, on découvre ses victimes éparses sur les collines. Combien de chevaliers, je te le demande, sont partis combattre ce monstre et ne sont jamais revenus? Comme nous, d’ailleurs…
- Assez ! Tais toi !
- Je ne le redirai jamais assez ! Perdu dans cette nuit je suis même incapable de dire en quelle année nous sommes !
- Neuf cents ans se sont écoulés depuis la nativité…
- Ce n’est pas vrai, murmura le second chevalier en fermant les yeux. Sur cette terre ingrate, le Temps n’existe pas. Nous sommes déjà dans l’Éternité. Il me semble que si je revenais sur mes pas, si je refaisais le chemin parcouru pour venir jusqu’ici, notre ville aurait cessé d’exister, ses habitants seraient encore dans les limbes, et que même les choses auraient changé. Les pierres qui ont servi à construire nos châteaux dormiraient encore dans les carrières, les poutres équarries, au cœur des chênes de nos forêts. Ne me demande pas comment je le sais ! Je le sais, c’est tout. Cette terre le sait et me le dit. Nous sommes, tout seuls dans le pays du dragon. Que Dieu nous protège !
- Si tu as si peur que ça, mets ton armure !
- A quoi me servirait elle ? Le dragon surgit d’on ne sait où. Nous ignorons où se trouve son repaire. Il disparaît comme il est venu. Nous ne pouvons deviner où il se rend. Eh bien, soit ! Revêtons nos armures. Au moins nous mourrons dans nos vêtements de parade.
Le second chevalier n’avait pas fini d’endosser son pourpoint d’argent qu’il s’interrompit et détourna la tête.

Sur cette campagne noire, noyée dans la nuit, plongée dans un néant qui semblait sourdre de la terre elle même, le vent s’était levé. Il soufflait sur la plaine une poussière qui semblait venir du fond des âges. Des soleils noirs, des feuilles mortes tombées de l’autre côté de la ligne d’horizon, tourbillonnaient en son sein. Il fondait dans son creuset les paysages, il étirait les os comme de la cire molle, il figeait les sang dans les cervelles. Son hurlement, c’était la plainte de milliers de créatures à l’agonie, égarées et errantes à tout jamais. Le brouillard était si dense, cerné de ténèbres si profondes, le lieu si désolé, que le Temps était aboli, que l’Homme était absent. Et cependant deux créatures affrontaient ce vide insupportable, ce froid glacial, cette tempête effroyable, cette foudre en marche derrière le grand rideau d’ éclairs blancs qui zébraient le ciel. Une rafale de pluie détrempa le sol. Le paysage s’évanouit. Il n’y eut plus désormais que deux hommes, dans une chape de glace, qui se taisaient, angoissés.
- Là ! chuchota le premier chevalier. Regarde ! Oh ! Mon Dieu !
À plusieurs lieues de là, se précipitant vers eux dans un rugissement grandiose et monotone : le dragon.
Sans dire un mot, les deux chevaliers ajustèrent leurs armures et enfourchèrent leurs montures.Au fur et à mesure qu’il se rapprochait, sa monstrueuse exubérance déchirait en lambeau le manteau de la nuit. Son œil jaune et fixe, dont l’éclat s’accentuait quand il accélérait son allure pour grimper une pente, faisait surgir brusquement une colline de l’ombre puis disparaissait au fond de quelque vallée ; la masse sombre de son corps, tantôt distincte, tantôt cachée derrière quelque repli, épousait tous les accidents du terrain.
- Dépêchons nous !
Ils éperonnèrent leurs chevaux et s’élancèrent en direction d’un vallon voisin.
- Il va passer par là !
De leur poing ganté de fer, ils saisirent leurs lances et rabattirent les visières sur les yeux de leurs chevaux.
- Seigneur !
- Invoquons Son nom et Son secours !
A cet instant, le dragon contourna la colline. Son œil, sans paupière, couleur d’ambre clair, les absorba, embrasa leurs armures de lueurs rouges et sinistres. Dans un horrible gémissement, à une vitesse effrayante, il fondit sur eux.
- Seigneur ! Ayez pitié de nous !
La lance frappa un peu au-dessous de l’œil jaune et fixe. Elle rebondit et l’homme vola dans les airs. Le dragon chargea, désarçonna le cavalier, le projeta à terre, lui passa sur le corps, l’écrabouilla.
Quant au second chevalier le choc fut d’une violence telle, qu’ils rebondirent à trente mètres de là et allèrent s’écraser contre un rocher.
Dans un hurlement aigu, des gerbes d’étincelles roses, jaunes et orange, un aveuglant panache de fumée blanche, le dragon était passé…
- Tu as vu ? cria une voix. Je te l’avais dit !
- Ça alors ! Un chevalier en armure ! Nom de tous les tonnerres !
- Mais c’est que nous l’avons touché !
- Tu t’arrêtes ?
- Un jour, je me suis arrêté et je n’ai rien vu. Je n’aime pas stopper dans cette lande. J’ai les foies.
- Pourtant nous avons touché quelque chose.
- Mon vieux, j’ai appuyé à fond sur le sifflet. Pour un empire, le gars n’aurait pas reculé…
La vapeur, qui s’échappait par petits jets, coupait le brouillard en deux.
- Faut arriver à l’heure. Fred ! Du charbon !
Un second coup de sifflet ébranla le ciel vide. Le train de nuit, dans un grondement sourd, s’enfonça dans une gorge, gravit une montée et disparut bientôt en direction du nord. Il laissait derrière lui une fumée si épaisse qu’elle stagnait dans l’air froid des minutes après qu’il fut passé et eut disparu à tout jamais.
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Message par Hélène Mer 26 Nov - 9:17

Qui ne connaît pas ( au moins pour l'avoir détesté cordialement pendant ses années d'école Laughing ) le poète Alphonse de Lamartine ? ( 1790-1869 ) ?
Mais il a été aussi un homme politique, député de 1833 à 1851 qui ne s'est pas contenté de faire de la figuration, loin de là...Et un fervent défenseur des Chemins de Fer , croyant en leur développement et convaincu que leur succès ne pouvait passer que par l'étatisation et non les compagnies privées...

A l'heure, où cet éternel débat est à nouveau d'actualité, lisez ce discours , il n'a pas pris une ride...


Discours prononcé à la Chambre des députés : 9 mai 1838

D'abord, j'ai commencé par le dire, je veux des chemins de fer. Entendons-nous, Messieurs, je n'en veux pas improviser étourdiment un réseau complet, entrepris sur mille points à la fois, achevé sur aucun, et jetant le pays dans une expérience de deux milliards ; mais j'en veux d'abord un, un grand, le plus nécessaire de tous, parce qu'il va se renouer à tout un système de voies parallèles déjà organisé sur vos frontières du Nord. Je veux celui de Bruxelles avant tout. Je veux ensuite celui de Paris à Strasbourg, puis celui de Paris à Marseille. Je veux donc des chemins de fer immédiatement entrepris, et promptement et réellement terminés...... Vous avez des offres, des gages, des certitudes ... Mais quand les capitaux seraient tous atteints de folie, quand des compagnies se présenteraient sans tarifs exagérés, sans minimum d'intérêt, sans monopole d'actions, je vous dirais : refusez-les encore.

Oui, refusez-les, pour ne pas vous déclarer incapables, pour ne pas engager votre sol et inféoder votre avenir de viabilité à une puissance d'intérêt individuel, rivale de la puissance de la nation ; pour ne pas vous enlever à vous, nation, la liberté de vos mouvements, la détermination de vos lignes, l'indépendance de vos tarifs, les améliorations, les expériences, les rectifications que vous aurez à tenter ; en un mot, pour ne pas vous dépouiller de la disponibilité complète et votre action actuelle et surtout future dans l'oeuvre de vos chemins de fer.

Ah ! messieurs, il y a un sentiment qui m'a toujours puissamment travaillé en lissant l'histoire ou en voyant des faits... C'est l'incompatibilité de la liberté sincère, progressive, avec l'existence des corps dans un Etat et dans une civilisation...... Jamais gouvernement, jamais nation n'aura constitué en dehors d'elle une puissance d'argent, d'exploitation, et même de politique, plus menaçante et plus envahissante que vous n'allez le faire en livrant votre sol, votre administration, et cinq ou six milliards à vos compagnies.

Je vous prophétise avec certitude, elles seront maîtresses du gouvernement et des Chambres avant dix ans... Mais, disent les préopinants, l'Etat est incapable. L'Etat est incapable ? Je vais commencer par vous demander à vous, si les compagnies, de quelque nature qu'elles soient, ont donné jusqu'ici tant de preuves de leur merveilleuse capacité ? Leur histoire, hors une seule exception, et encore rentre-t-elle dans mon système, leur histoire n'est que celle de nos désastres, de nos ruines, de nos catastrophes industrielles et coloniales. Rien de grand ne s'est fait, de grand, de monumental en France, et je dirais dans le monde, que par l'Etat : et comment cela serait-il autrement ? Vous avez beau calomnier la force publique, la puissance de l'association universelle et gouvernementale n'a-t-elle pas des conditions de capacité et d'omnipotence mille fois supérieures à celles des associations individuelles ? .


Source : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7ei.asp


Arles aussi fut reconnaissante envers Lamartine, au point de donner son nom et un buste le réprésentant à une de ses places. En 1842, on discute du tracé de la future ligne de chemins de fer entre Avignon et Marseille. Une des deux possibilités envisagées évite Arles. Lamartine prend parti pour cette ville avec toute l'emphase qui caractèrise un poète de l'époque mais aussi les hommes politiques d'alors ( les grands discours auxquels se livraient les orateurs (et ce mot avait tout son sens) politiques,ont, je pense, connu leur terme avec Malraux...)...Et gagne...D'où la reconnaissance de la ville d'Arles pour une décision qui va changer tout son développement ...

Pour ceux que celà intéresse ce discours peut être téléchargé ici patrimoine.ville-arles.fr




Le train à travers les textes... Lamart10

(Lamartine par Henri Descaine Musée de Macon )
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Message par rail cassé Mer 26 Nov - 17:13

salut hélène, en effet ce texte est résolument moderne et empreint d'actualité.
Si tu n'avait pas dit la provenance de ces mots, j'aurais pu croire qu'il avait été écrit il quelques temps et prononcé par un grand monsieur du chemin de fer " nationnal ", c'est à dire Mr Louis Gallois.
Merci pour ce texte.

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Message par Hélène Mer 26 Nov - 17:20

Bonsoir,

Il y a beaucoup de textes comme çà où l'on se dit que , si on ne connait pas le nom de l'auteur, ils pourraient avoir été écrits aujourd'hui...Et personnellement je trouve çà décourageant...Car quelles leçons tirons-nous de l'Histoire ? Aucune...
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Message par rail cassé Mer 26 Nov - 17:34

C'est certain, mais cela n'arange t'il pas certains ( profiteurs??? ) que l'histoire se répète inlassablement?
Cet état de fait n'est t'il pas juste l'histoire de l'être humain dans toute sa déchéance?

je crois en l'humanité, mais de moins en moins dans la nature humaine. De................................................................................................................................Moi. Le train à travers les textes... 359606

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Message par Hélène Mer 26 Nov - 17:38

C'est curieux...Moi c'est plutôt le contraire... Laughing Je crois en l'être humain pris dans son individualité et de moins en moins en l' Humanité ...Panem et circenses...Du pain et des jeux et ...après moi, le déluge, çà peut se résumer à çà pour un grand nombre...
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Message par rail cassé Mer 26 Nov - 17:48

En fait j'ma gouré, c'est l'inverse que je pensais, Embarassed ( suis un peu fatigé, pris un coup de froid sur le crane)
Bon après, cela dépend de quelle individualité, y a des gens vraiment pas intéressants, et bien souvent tu te les farcis à longueurs de journées. Mais ceux là, j'apprend petit à petit à ne plus faire attention à eux, et je prend un malin plaisir à les mettre face à leurs contradictions. mais c'est pas pour cela qu'ils changerons, donc avant de changer l'humanité????????????????? il va falloir que l'histoire se répète un paquet de fois.

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Message par Hélène Mer 26 Nov - 17:54

En aura-t-elle le temps ? Je l'espère...
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Message par rail cassé Mer 26 Nov - 18:01

Moi aussi.
Mais l'homme ne sais pas tirer des enseignement de ses erreurs passées, cela à cause de pleins d'excuses ( la bétise, l'ignorence, le facteur économique ect ou bien souvent sciament ).
Tien un exemple que je vis chaque années au début de l'hiver, nos chefs, plus ou moins gands, reculent d'année en année les préparatifs d'avant l'hiver, l'excuse pour cela est " de toute façon il ne neigera pas tout de suite, il y plus de neige de toute façon " et chaques années on se fait avoir, les chasses neiges ne sont pas prèts, le matos pas tout près non plus pour affronter les éléments et les grands froids.
Cela me donne l'impression qu'il faut recréer les choses chaques années. C'est épuisant et cela me fou les boules, moi qui suis prévoyant et n'aime pas me faire surprendre par des absurdités, je me fais encore engueuler quand je leurs dit qu'il faudrait penser à, ou que.
Bien maintenant, il se débrouilleront, j'en ai fini de courir pour leur ignorance à tirer leçon des choses.

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Message par Hélène Mer 26 Nov - 18:04

Si çà peut te consoler, c'est pareil presque tous les ans dans ma commune Laughing
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Message par rail cassé Mer 26 Nov - 18:08

C'est l'absurdité généralisée, c'est ceux qui brassent du vent qui s'en tirent avec les honneurs. Twisted Evil

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Message par Hélène Lun 1 Déc - 8:59

Un autre auteur dont l'oeuvre abonde de voyages en train est Guy de Maupassant (1850 -1893 ).

Rien de surprenant chez cet écrivain qui, par aversion pour la société et goût de la solitude , voyage longuement (France, Algérie, Italie, Angleterre, Sicile...) chaque voyage aboutissant à l'écriture de nouveaux livres...mais aussi pour celui, qui , de caractère sombre et poursuivi par la maladie, a sû si bien décrire les attitudes et sentiments humains en société...Et quoi de mieux qu'un lieu clos comme le train pour les exprimer ? ....


Juste un extrait d'une de ses nouvelles "Miss Hariett"

  Le train venait de quitter Gênes, allant vers Marseille et suivant les longues ondulations de la côte rocheuse, glissant comme un serpent de fer entre la mer et la montagne, rampant sur les plages de sable jaune que les petites vagues bordaient d'un filet d'argent, et entrant brusquement dans la gueule noire des tunnels ainsi qu'une été en son trou.

   Le soleil, montant au ciel, versait sur la côte une pluie de feu; c'était vers la fin de mai, et des odeurs délicieuses voltigeaient, pénétraient dans les wagons dont les vitres demeuraient baissées. Les orangers et les citronniers en fleur, exhalant dans le ciel tranquille leurs parfums sucrés, si doux, si forts, si troublants, les mêlaient au souffle des roses poussées partout comme des herbes, le long de la voie, dans les riches jardins, devant les portes des masures et dans la campagne aussi.
    Elles sont chez elles, sur cette côte, les roses ! Elles emplissent le pays de leur arôme puissant et léger, elles font de l'air une friandise, quelque chose de plus savoureux que le vin et d'enivrant comme lui.
    Le train allait lentement, comme pour s'attarder dans ce jardin, dans cette mollesse. Il s'arrêtait à tout moment, aux petites gares, devant quelques maisons blanches, puis repartait de son allure calme, après avoir longtemps sifflé. Personne ne montait dedans. On eût dit que le monde entier somnolait, ne pouvait se décider à changer de place par cette chaude matinée de printemps.

    Le train s'était remis en marche et continuait sa route au milieu des fleurs qui exhalaient leur haleine pénétrante des soirées tièdes. Quelquefois, un bateau de pêche semblait endormi sur la mer bleue, avec sa voile blanche immobile, qui se reflétait dans l'eau comme si une autre barque se fût trouvée la tête en bas.



Pour (re)découvrir Maupassant, ce site qui lui est consacré...

Maupassant



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Message par Hélène Mer 3 Déc - 9:33

Wislawa Szymborska, née en 1923 est une poétesse polonaise prix nobel de littérature en1996 .

J'ai horreur de disséquer la poésie, pour moi, un texte se ressent...ou pas...Dire si on aime ou pas, et pourquoi...Mais décortiquer un poème (ou une photo ou un tableau) et se demander ce que l'auteur a voulu dire me paraît prétentieux...Autant lire dans une boule de cristal...'Wink'
Alors je dirais simplement que j'aime ce drôle de poème . Anonymat des gares, des gens aux gestes si semblables...si prévisibles et pourtant tellement d'espérance et d'envie dans l' Ailleurs...

Gare

Ma non-arrivée dans la ville X
a eu lieu ponctuellement.

Je t'avais averti
par une lettre non envoyée.

Tu n'es pas venu à temps
exactement comme prévu.

Le train est arrivé quai trois.
Beaucoup de gens sont descendus.

L'absence de ma personne
suivit la foule jusqu'à la sortie.

Quelques femmes m'ont remplacée
rapidement
dans cette marche rapide.

L'une d'elle a été accueillie
par quelqu'un qui m'était inconnu,
mais elle l'avait reconnu
immédiatement.

Ils ont vite échangé
un baiser qui n'était pas le nôtre
Suite à quoi on a égaré
une valise qui n'était pas la mienne.

La gare de la ville X
a réussi l'examen
de l'existence objective.

Le tout bien planté à sa place.
Les détails se mouvant dans l'ordre
sur des rails désignés à l'avance.

Même le rendez-vous
avait bien eu lieu.

Sans que puisse l'atteindre
Notre présence.

Au paradis perdu
de la probabilité.
Ailleurs. Ailleurs.
Quelle musique dans ce mot.
Hélène
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Message par Hélène Dim 7 Déc - 9:24

Guillaume Apollinaire (1880-1918 ) un des poètes majeurs du XXè siècle , dont les échos n'auraient peut-être pas été si prenants si la tragédie de la guerre n'avait pas fusionné le poète et le soldat (si je mourrais là-bas , Lou...) ...Beaucoup connaissent les quelques vers qui font référence au train, mais il me semble que c'est perdre beaucoup que de les sortir de leur contexte...Les replacer dans les poésies dont ils sont issus permet de mieux ressentir, je trouve, toute la force nostalgique et mélancolique qu'ils recèlent...


Automne malade (Alcools )

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule




La Victoire (Calligrammes )

Un coq chante je rêve et les feuillards agitent
Leurs feuilles qui ressemblent à de pauvres marins

Ailés et tournoyants comme Icare le faux
Des aveugles gesticulant comme des fourmis
Se miraient sous la pluie aux reflets du trottoir

Leurs rires amassés en grappes de raisin

Ne sors plus de chez moi diamant qui parlais
Dors doucement tu es chez toi tout t'appartient
Mon lit ma lampe et mon casque troué

Regards précieux saphirs taillés aux environs de Saint-Claude
Les jours étaient une pure émeraude

Je me souviens de toi ville des météores
Ils fleurissaient en l'air pendant ces nuits où rien ne dort
Jardins de la lumière où j'ai cueilli des bouquets

Tu dois en avoir assez de faire peur à ce ciel
Qu'il garde son hoquet

On imagine difficilement
À quel point le succès rend les gens stupides et tranquilles

À l'institut des jeunes aveugles on a demandé
N'avez-vous point de jeune aveugle ailé

Ô bouches l'homme est à la recherche d'un nouveau langage
Auquel le grammairien d'aucune langue n'aura rien à dire

Et ces vieilles langues sont tellement près de mourir
Que c'est vraiment par habitude et manque d'audace
Qu'on les fait encore servir à la poésie

Mais elles sont comme des malades sans volonté
Ma foi les gens s'habitueraient vire au mutisme
La mimique suffit bien au cinéma

Mais entêtons-nous à parler
Remuons la langue
Lançons des postillons
On veut de nouveaux sons de nouveaux sons de nouveaux sons
On veut des consonnes sans voyelles
Des consonnes qui pètent sourdement
Imitez le son de la toupie
Laissez pétiller un son nasal et continu
Faites claquer votre langue
Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité
Le raclement aspiré du crachement ferait aussi une belle consonne

Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants
Habituez-vous à roter à volonté
Et quelle lettre grave comme un son de cloche
À travers nos mémoires

Nous n'aimons pas assez la joie
De voir les belles choses neuves
Ô mon amie hâte-toi
Crains qu'un jour un train ne t'émeuve
Plus
Regarde-le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules
Deux lampes brûlent devant moi
Comme deux femmes qui rient
Je courbe tristement la tête
Devant l'ardente moquerie
Ce rire se répand
Partout
Parlez avec les mains faites claquer vos doigts
Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour
Ô paroles
Elles suivent dans la myrtaie
L'Éros et l'Antéros en larmes
Je suis le ciel de la cité

Écoutez la mer

La mer gémir au loin et crier toute seule
Ma voix fidèle comme l'ombre
Veut être enfin l'ombre de la vie
Veut être ô mer vivante infidèle comme toi

La mer qui a trahi des matelots sans nombre
Engloutit mes grands cris comme des dieux noyés
Et la mer au soleil ne supporte que l'ombre
Que jettent des oiseaux les ailes éployées

La parole est soudaine et c'est un Dieu qui tremble
Avance et soutiens-moi je regrette les mains
De ceux qui les tendaient et m'adoraient ensemble
Quelle oasis de bras m'accueillera demain
Connais-tu cette joie de voir des choses neuves

Ô voix je parle le langage de la mer
Et dans le port la nuit des dernières tavernes
Moi qui suis plus têtu que non l'hydre de Lerne

La rue où nagent mes deux mains
Aux doigts subtils fouillant la ville
S'en va mais qui sait si demain
La rue devenait immobile
Qui sait où serait mon chemin
Songe que les chemins de fer
Seront démodés et abandonnés dans peu de temps
Regarde

La victoire avant tout sera
De bien voir au loin
De tout voir
De près
Et que tout ait un nom nouveau









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Message par Hélène Jeu 11 Déc - 16:27

Encore un texte (freware) issu de la collection de la bibliothèque municipale de Lisieux qui regorge de petits trésors...

bmlisieux.com

Je ne mets que des extraits, la totalité pouvant être lue en ligne...Je me suis dit , en parcourant ce discours de 1869 , que s'il était prononcé aujourd'hui, certains de nos élus diraient à ce cher monsieur Fournet ; "dans mes bras ! " Laughing


Observations sur les chemins de fer vicinaux du Calvados par Jean-Lambert Fournet membre du Conseil général

Mes chers Concitoyens,
Le Conseil général a voté, dans sa dernière session, un grand nombre de Chemins de fer dits vicinaux ou départementaux ; j'ai cru devoir combattre l'extension exagérée qui a été donnée immédiatement à ces voies nouvelles ; je vous dois compte de mon opinion, et, fidèle à mes principes, je viens soumettre à votre appréciation les motifs que j'ai fait valoir au sein du Conseil général.

C'est toujours, je ne l'ignore pas, une tâche ingrate que de s'opposer aux idées et aux inventions nouvelles qui ont en leur faveur les prestiges de la vogue. Il est plus commode d'y céder sans résistance. On peut même se rendre populaire en flattant la manie du jour. Mais j'ai pris au sérieux le mandat que vous m'avez confié, et, connaissant le bon sens pratique qui distingue nos populations, j'espère vous convaincre que, si j'ai repoussé des projets excessifs et tout au moins prématurés, je ne l'ai fait que dans l'intérêt bien entendu de notre Département.

Certes, personne n'admire plus que moi cette belle invention des Chemins de fer, qui a effectué une véritable révolution dans le monde civilisé. Les grandes lignes tracées à travers notre territoire national, en créant des communications rapides et économiques dans l'intérieur de la France et avec l'Etranger, ont produit un développement de richesse inattendu. Le Commerce, l'Industrie, l'Agriculture y ont puisé de nouveaux éléments d'activité. Mais s'ensuit-il cependant qu'on doive établir des Chemins de fer partout où on en demande ? Evidemment non. Les Chemins de fer ne sont au bout du compte que des machines ; or, que diriez-vous d'un manufacturier, qui installerait à grands frais, dans sa fabrique, une machine, excellente je le veux bien, mais qu'il ne pourrait utiliser que quelques instants par jour ?

Ce n'est pas que j'entende me prononcer d'une façon systématique et absolue contre les Chemins de fer d'intérêt local ; telle n'est pas ma pensée ; mais, ce que je veux dire, c'est qu'en semblable matière il faut agir avec la plus grande circonspection ; c'est qu'avant d'autoriser des Chemins dont l'exécution doit peser lourdement sur les finances locales, il faut en étudier le trafic probable avec le plus grand soin ; car leurs produits peuvent seuls justifier leur établissement.

(...)

Comment ne pas déplorer cet entraînement, cette précipitation ? Est-ce le propre d'hommes sages, comme le sont les Membres du Conseil, de se lancer dans des dépenses énormes dont les résultats sont tout au moins à l'état d'inconnu ? Pourquoi n'avoir pas attendu que les études préalables, ordonnées par la loi, eûssent été faites ? D'où vient qu'on a cru pouvoir se passer des enseignements qu'on aurait pu en retirer ? Serait-ce que les quelques Chemins de fer vicinaux exécutés jusqu'ici dans quelques départements, auraient donné des produits tels qu'ils doivent être préférés à tous autres travaux ? Pas le moins du monde. Si certains d'entre eux paraissent devoir procurer un léger profit à leurs actionnaires, c'est l'exception. Ils le doivent à des conditions particulières. On a tout naturellement commencé par faire les plus productifs, et encore n'ont-ils réussi que grâce aux fortes subventions dont ils ont été dotés. La plupart couvrent à peine leurs frais d'exploitation. En sorte que le capital employé à leur construction est presqu'entièrement perdu.

Pouvons-nous espérer un meilleur sort pour les nôtres ? Ce serait une illusion que de le croire. Aucun ne présente les conditions exceptionnelles dont je viens de parler. Ils n'effectueront que peu de transports, comme la majeure partie des railways de ce genre, et l'on aurait pu s'en convaincre facilement, pour peu qu'on eût voulu se donner la peine de réfléchir sur la nature de la circulation qu'alimentent les Chemins vicinaux.

(...)

Restent les voyageurs. Outre qu'ils ne sont pas très nombreux, beaucoup leur échapperont également. En effet, pour économiser les frais journaliers, ces Chemins ne devront être exploités qu'à petite vitesse, avec un petit nombre de trains, ne marchant que le jour, et s'arrêtant à chaque village. Mais, si l'on rend ainsi l'exploitation moins coûteuse, d'un autre côté le peu de fréquence et le peu de vitesse des trains tendent à éloigner la clientèle. Or, voyez ce qui arrive : on fait de grands frais pour diminuer les pentes, les courbes, afin de marcher vite. Le temps est de l'argent ; dépense perdue : on ne profite pas, on ne peut pas profiter de cet immense avantage. Mais, dans ces conditions, il vaudrait bien mieux établir des Chemins de Fer américains le long de la grande route, avec laquelle chaque maison, chaque usine importantes ont leurs tenants et aboutissants, ils rendraient beaucoup plus de services et coûteraient beaucoup moins

(...)

Pourrons-nous du moins, fermant les yeux sur tous ces mécomptes, nous consoler en voyant le sort de nos Chemins de fer assuré ? Hélas ! non ; cette consolation doit encore nous échapper. Sans doute, les entrepreneurs qui, attirés par le chiffre élevé de nos subventions, sont venus soumissionner nos Chemins, les exécuteront conformément au cahier de charges. Ce sont, je le reconnais, des hommes honorables et entendus qui tiendront leurs engagements. Mais lorsque, la construction achevée, ils auront retiré leur cautionnement et encaissé le prix de leurs travaux, quelle sera notre situation ? Le Département sera en possession de ses Chemins de fer ; soit. Vous croyez bonnement que tout sera fini. C'est alors, au contraire, que commenceront les difficultés.

Vous avez bien pu, en élevant le chiffre de vos subventions, assurer la construction des Chemins ; mais vous n'avez pu en assurer l'exploitation. Quand les Compagnies auront dépensé le capital dont elles disposent à exécuter les Chemins et à former leur fonds mouvant, elles ne pourront les maintenir en activité qu'à une condition, c'est que les frais d'exploitation et d'entretien soient au moins couverts par les produits : autrement, si le trafic n'est pas assez considérable pour couvrir les frais généraux, elles ne s'entêteront pas à continuer un service impossible, et, plutôt que d'accumuler des pertes sur des pertes, elles préféreront purement et simplement abandonner l'entreprise en faisant le sacrifice de leur capital.

Telle sera, il n'y a pas à se le dissimuler, la destinée d'une partie de nos Chemins. On admet généralement que le minimum des frais généraux des Chemins de fer à faible trafic s'élève à 6,000 fr. par kilomètre. C'est le chiffre posé par l'Administration des ponts-et-chaussées et admis dans l'exposé des motifs de la loi sur les Chemins de fer d'intérêt local. Or, qui oserait affirmer que la recette atteindra, sur la plupart des lignes que nous allons construire, ce minimum indispensable ? Aucun Membre du Conseil général n'oserait prendre sur lui de le soutenir.

Ainsi, les Compagnies subventionnées, renonçant à exploiter des Chemins d'un traficc insuffisant, se retireront en faisant abandon de leur capital. Le Département, il est vrai, restera propriétaire des voies ferrées ; mais, qu'en fera-t-il ? il lui faudra de deux choses l'une : ou laisser inexploitées ces chemins pour lesquels nous avons fait de si grands sacrifices, auquel cas nos 40 millions seront perdus ; ou bien accorder aux Compagnies ruinées des subventions nouvelles qui viendront s'ajouter successivement au capital englouti.

Voilà l'alternative dans laquelle nous nous trouverons infailliblement : perte sèche, absolue, sans retour, de tout ou partie d'une dépense de 40 millions ; ou sacrifices nouveaux, incessants, dont on ne peut prévoir la fin.

(...)
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Message par Hélène Ven 12 Déc - 7:51

Il est des poètes qu'on croise au fil des lectures ou du net sans vraiment les remarquer et puis d'autres, on ne saurait dire, pourquoi, alchimie personnelle, on reste scotché...Tony McManus est de ceux-là...Cherchant des textes ferroviaires, je suis tombée sous le charme , même si la traduction d'écrivains ou poètes étrangers met toujours une frontière, celle du traducteur, entre lui et nous...De l'Ecosse je connaissais la beauté d'écriture de Kenneth White (impression que chaque mot est ciselé avant d'être écrit) , çà ne m'a pas surpris de découvrir que Mc Manus était dans son sillage...

Essayiste, poète et critique, enseignant et syndicaliste engagé, Tony McManus est décédé en 2002 à l’âge de 49 ans.

Pour ceux qui maîtrisent l'anglais mieux que moi, on peut retrouver ses oeuvres ici :
http://www.institute-of-governance.org/onlinepub/mcmanus/index.html



GLASGOW-AYR

Brume blanche du matin
Glasgow Gare centrale
Des gens passent en parlant
leur musique un rien sentimentale
vous donnerait les larmes aux yeux

un homme l’air décidé
mission en tête
sans bagages, de près
tu remarques ses fringues
il fait la tournée des poubelles
espère qu’on ne le verra pas
dans ses premières rondes matinales
tu fais la queue pour un café
petite monnaie, trois livres

dans le coin une femme
aux lunettes noires impénétrables
pointe sa cigarette en l’air
elle semble te dévisager
tu penses qu’elle te provoque
à contempler les taches pourpres
sur son pantalon jaune.
Tu t’enfonces dans ta tasse
Entre la mousse et le marc

pense à ton voyage
une rencontre de penseurs sur la côte
dur de garder la tête claire
pour les mots et les idées
tu penses à Reich
tu penses à Gaudi
tu penses à White
tu te mets à penser tout haut
ils se retournent et tous te dévisagent
tu te lèves et tu marches
tu ne sais quelle voie prendre




GLASGOW-AYRTony McManus
 
White mist morning
Glasgow Central
people talking, passing by
the music the’re playing
‘s just that side of the sentimental
it’s enough to make a tired man cry
 
guy with a bounce in his step
walking with purpose
carries no bag, close up
you notice his clothes
he’s touring the buckets
he hopes you won’t see him
on his eary morning rounds
you queue for a coffe
small change, three pounds.
 
in the corner a lady
of impenetrable shades
points her cigarette in the air
she seems to be staring
you deem she is daring you
to gaze at her purple stains
on her yellow trouser legs
you disappear intoyour cup
between the foam and the dregs
 
think of your journey
a gathering of minds on the coast
it’s hard to keep your head clear
for words and ideas
you think about Reich
you think about Gaudi
you think about White
you’re thinking out loudly
and they all turn and stare
you rise and you walk
you’ve got no way to fare


Dernière édition par Hélène le Mar 5 Mai - 16:58, édité 1 fois
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Message par videolf Ven 12 Déc - 10:29

Bonjour Hélène,

Voilà toute une série de textes que je me dois de lire. Merci à toi de nous les faire partager. Je ne les ai que survolés mais il me semble que pour chacun, l'homme est au centre du débat. Quant à juger de l'humanité ou de l'homme, je ne m'y risquerai pas aujourd'hui. Disons, plus prosaïquement que je crois en l'homme. L'homme naît bon mais l'humanité le transforme, pas toujours hélas, dans le bon sens. Seulement voilà, qui fait l'humanité si ce n'est l'homme... Cherchez l'erreur!

PS : j'aime bien le poême de Wislawa Szymborska avec cette probable improbabilité des gens à moins que cela ne soit l'inverse? Pour un peu j'aurais pu le croire écrit par Prévert.

Albert
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Message par Hélène Ven 12 Déc - 13:06

Merci Albert...L'homme naît bon ? Mais qu'est-ce-que la bonté ? Oulàh vaste débat que je me garderai bien d'aborder aussi Laughing ...Sinon...Ils vont tous fuir et ce forum va aussi se faire traiter d'élitiste... Le train à travers les textes... 138988
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