Le train de la vie

" Le train arrivait en provenance de Toulouse, gris, vert et noir, long et poussif, bruyant, envahissant d'un seul coup notre champ de vision, modifiant le décor dans lequel nous avions commencé de nous figer. Je venais de ressentir pour la première fois cette forme particulièrement intense d'angoisse qui vous prend dans les gares, et peut saisir aussi bien les enfants que les adultes, les plongeant dans un état de culpabilité et de crainte. Les sons, les odeurs, la symétrie inhumaine du dessin des rails, les couleurs uniformes m'avaient-ils rappelé que c'était de ce même quai qu'étaient partis, pour ne plus jamais revenir, Monsieur Germain et ses semblables ? ..........
Le train s'ébranla, et tout un monde d'habitudes, de rites et de mythes resta sur le quai de la banale petite gare, avec ceux qui m'avaient aidé à construire ce monde et ses murs protecteurs qui venaient de s'écrouler sur un simple hurlement de locomotive."
Philippe LABRO - "Le petit Garçon" - édition Gallimard - p.266 et 268. extraits.