La retouche s'invite au World Press

Bonsoir,

Ou tout du moins savoir ce qui était acceptable ou pas, à ce niveau, , lors de l'attribution du prix 2012...

http://expo-photo.blog.lemonde.fr/2013/02/15/une-photo-cinematographique-gagne-le-prix-world-press/

Bonsoir,

Effectivement au delà de la cruelle réalité saisie par le cliché gagnant, le discours technique quant aux post-traitements des photos
porte à réfléchir, en fait le débat de fond porte sur l'aspect "triche" dans le résultat final "image rendue" de la photographie prise.

Le débat n'est pas nouveau et est également présent dans d'autres formes artistiques dont la musique, où l'usage de divers instruments
et autres modules d'effets, amène certains à penser qu'il y a triche, là aussi le point névralgique est de définir les limites de l'acceptable.

@+

Bonjour Fabrice,

Je crois qu'effectivement l'évolution inévitable technologique et offrant un panel de possibilités de plus en plus large, ne peut faire que le débat soit inévitable et s'invite partout, comme ça l'a toujours été au fil du temps à l'apparition de chaque nouvelle "invention"...

Pour ce que j'en ai lu , là ils ont tranché en posant clairement ,puisqu'on est dans le cadre du reportage , que la photo ne devait pas être modifiée , "truquée " en supprimant quelque chose par exemple, ce qui me semble la moindre des choses au point de vue déontologie du reportage ;-) , mais qu'au point de vue traitement de la lumière etc, il n'y avait pas de raison de poser des limites...

Personnellement , ce n'est pas ce qui me gêne dans l'attribution de ce prix, même si cette photo , je n'apprécie pas particulièrement ce côté "léché " justement, dans ce cadre là... C'est que tous les ans, et il suffit de regarder cette année encore ,les trois premiers prix, j'ai le sentiment que pour gagner , il faut être dans la course au musée des horreurs de l'humain...

Or il me semble qu'on peut témoigner, même dans le reportage ,et parfois faire passer des messages bien plus forts sans forcement se surpasser dans la course au trash, même si c'est la réalité...car c'est une photo ici qu'on récompense.

Et dans ce cadre là, même si ça peut paraitre abrupt ce que je dis ,et ce n'est que mon avis , il me semble que les choix de ce prix encouragent le manque d'imagination et flattent la tendance au voyeurisme qui prime sur l'information...

Bref, gros malaise devant ce type de sélection...qui est dans la lignée de l'évolution des reportages à la télé d'ailleurs, il y a quelques années ,aux infos tout était suggéré et on en apprenait tout autant sur les horreurs commises, aujourd'hui gros plan sur les enfants morts, les jambes coupées, le sang qui dégouline..au point que souvent tellement choqués par ce qu'on voit, on perd l'écoute de l'information diffusée en même temps...

Mais disons que pour ma part, quand on est dans le cadre de récompenser "LA" photo d'un courageux et nécessaire travail de reporter, on pourrait s'attendre à un autre choix en conscience que celui du journal de 20 H...

Bonsoir,

C'est marrant ce débat qui semble continuer à exister sur les "trucages", etc. La technologie apporte des outils et le regard doit évoluer avec. Quelle différence entre le photographe qui supprime un papier sous Photoshop et celui qui le retire avant de faire son cliché ? Et puis, ce genre de manipulation a toujours existé et est inhérent à la Photographie en elle même. J'ai eu la chance de manipuler des plans film en verre pris vers 1910. Il s'agissait de "portraits" de locomotives et d'équipes de conduite dans divers dépôts parisiens. Et bien certaines plaques de verres avaient été maquillées, histoire d'effacer des bâtiments ou des poteaux gênants !

De même la photo de paysage, même si elle n'est pas manipulée au post-traitement, ne représente en rien ce que vous et moi pourront observer "pour de vrai". Souvent, les photographes ont attendus des jours pour avoir "la" lumière. Vous, vous serez au même endroit avec des conditions complétement différentes. Le photographe est alors un artiste qui choisi de retranscrire les choses telles qu'ils les ressent. Pourquoi est ce que cela devrait être différent pour du photojournalisme ? Il est impossible d'avoir un regard objectif et neutre. Lorsqu'on écoute des photoreporters, on se rend compte combien ce sont des gens passionnés et avec un vécu, un regard et une approche particulière. Lorsque Rémy Ochlik se rend en Syrie, il n'est pas un paparazzi qui cherche à se faire du fric ou à la rechercher de sensationnalisme. Il avait un cheminement particulier qu'il avait débuté dans les décombres de Port au Prince. C'est pourquoi je ne peux pas être d'accord avec toi Hélène, lorsque tu compares le travail de ces personnes avec les médias télévisés qui ont des intérêt totalement différents. Propriétés de groupes à la solde d'une idéologie, il sont des outils de manipulation des masses et de "temps de cerveau disponible pour Coca Cola". Autrement dit, il faut faire de la sensiblerie, quitte à diffuser des images hors contexte ou de mentir.

Enfin, il y a la question de l'horreur et la "beauté" qui s'y rattache. Ce n'est pas nouveau une fois de plus. Qui ne connait pas la photo de Kim Phuc, cette fillette brulée par du napalm lors de la guerre du Vietnam ? Elle a été une prise de conscience planétaire et cela a contribué à l'arrêt de l'invasion américaine. Il faut parfois (souvent) mettre les gens face à la réalité, que souvent ils nient. Prenons le cas, de la viande qui est devenue une industrie, niant par la même la notion même de vie pour le simple profit. Ce sont des beaux discours et pourtant une simple photo peut pousser la personne qui la visionner hors de sa zone de confort, de s'interroger. Il est trop facile de se mettre la tête dans le sable et je crois que les photoreporters ont ça à l'esprit. Ils sont les témoins de choses alors que pendant ce temps "nous" mangeons et fêtons la St-Valentin ou les fêtes de Noel... dans un confort artificiel. Si tu découvres qu'à côté de notre "bonheur" il y a de la souffrance ... et bien bienvenue sur la planète Terre !

Renaud

Bonsoir Renaud,

Contente de lire ton avis en tant que photographe , sur le sujet...même si je ne le partage pas sur cette espèce d'angélisme dont seraient atteints les photoreporters par rapport aux faiseurs de sensationnel de l'audiovisuel...

Je veux dire par là qu'il en est de partout et là aussi de l'humain , à savoir qu'il y a certainement des hommes tels que tu le soulignes tout comme des journalistes dans l'éthique définie par un Albert Londres...et d'autres, plus sensibles à d'autres sirènes... Il suffit de voir à petite échelle l'impact et les ravages que peut avoir l'idée d'une notoriété comme avoir sa photo dans une revue, pour imaginer qu'à un tout autre niveau, ça peut pour certains , même en partie inconsciemment d'ailleurs, tenter d'aller dans le sens du vent...

Et pour ma part , un article très documenté fera plus pour ma prise de conscience qu'une photo choc mais ça , c'est tout personnel ...

Et quand je disais qu'il n'était pas nécessaire d'être trash, personnellement au niveau photo ( et non sujet mais ça ,c'est trop facile justement de faire pleurer dans les chaumières , avant de retourner à son déjeuner , l'âme tranquille car on est humain puisqu'on a été bouleversé en regardant des enfants morts) , j'ai été bien plus touchée par celle qui a gagné l'année dernière...et toute la douleur et compassion saisie de cette pieta islamique...

Mais juste mon avis et ma propre sensibilité, toute personnelle effectivement...Et puis, je crois qu'il n'y a pas pire pour douter au point peut-être d'en être dans l'autre excès pour ne pas se faire avoir, qu'une idéaliste qui a atterri , vu le cratère que ça fait... ;-)

Donc je reste dubitative , oui sur cette tendance ...et je crois que celle qui m'a vraiment interpelée, plus que la première, c'est le second prix attribué, parce que là j'ai envie de demander au photographe: comment une telle photo a été possible, pas sans autorisation ? elle ne semble pas avoir été prise furtivement, d'autant que dans une cellule ou salle d'interrogatoire ... et avec tout ce que ça suppose donc...Bref je voudrais avoir en même temps que les photos tous les éléments de leur prise de vue, et entendre la démarche du photographe et ce qu'il a accepté pour pouvoir faire la photo...

Re,

Je voulais simplement rajouter, et encore une fois j'ai bien conscience que c'est totalement subjectif et juste le reflet de ma propre sensibilité , mais n'en est-il pas ainsi à chaque fois que nous visualisons et réagissons à une oeuvre ?...

Tu cites Remy Ochlik , Renaud et j'ai bien pris le temps de visualiser son travail, et ...oui, là oui, même dans ses photos les plus dures dans ce qu'elles montrent, j'ai perçu tout un travail en profondeur, une sensibilité et au final une beauté déchirante et faisant réfléchir sur l'humain en même temps... Dans la lignée de celle qui a gagné l'an dernier justement...

Alors est-ce le traitement choisi de l'image justement, ce côté cinématographique comme dit le Monde à son sujet , toujours est-il que la photo choisie cette année et les suivantes, m'ont sacrément mis mal à l'aise , oui , pas du tout pour les "retouches "effectuées, où je suis d'accord avec toi, elles ont été de tout temps ... ( et quelle différence effectivement avec créer une scène de toute pièce pour la photo, cf Doisneau et son "baiser de l'hôtel de ville " ?, aucune ... ) mais dans le sens développé dans mon post précédent...