Bertholène-Espalion (Aveyron) : coup de foudre et mal au coeur...

Je vais vous emmener dans une longue ballade à travers plusieurs posts découvrir une ancienne voie ferrée...Je suis tombée sous le charme quand je l'ai découverte, tellement le cadre où elle serpente est agréable et ses ouvrages d'art magnifiques...et j'y retourne toujours avec le même plaisir , même si j'ai mal au coeur en pensant à ce que deviendront avec le temps toutes ces constructions...La seule consolation pour le temps présent est qu'il est rare, hormis pour les cheminots, de pouvoir parcourir tunnels et viaducs...Et pour les modélistes qui voudraient examiner ceux-ci afin de s'en inspirer, en prenant tout leur temps, cette ancienne ligne est le paradis...

La promenade est longue - vous pourrez descendre en cours de route si vous le souhaitez - et mes photos, surtout dans les tunnels pas à la hauteur de ce que j'aurais voulu vous montrer...mais je vais essayer de vous faire partager un petit bout du plaisir que j'ai pris en réalisant ce " reportage "...


Une petite présentation d'abord...

La ligne Bertholène-Espalion fut créée pour compenser "l'injustice" du tracé de Rodez-Séverac qui évitait Espalion, sous-préfecture de l'Aveyron. La déclaration d'utilité publique fut prise en 1897 et la concession attribuée à la Compagnie des Chemins de fer du Midi. Le chantier commença par la construction des principaux ouvrages d'art et la mise en service fut effective le 25 Juin 1908.

L'exploitation débuta par trois AR quotidiens et l'espoir de la voir un jour prolongée jusqu'à Aurillac n'a jamais abouti. D'autant qu'à partir de 1926, les autobus se multiplient et Espalion décline.

Le service voyageur est abandonné dès le 05 Décembre 1938 et seules les gares de Bozouls et Espalion restent ouvertes pour le trafic marchandises quotidien jusqu'en 1983. Le fermeture définitive eut lieu le 01 Juin 1987.


Pour les trains de voyageurs , " la traction était assurée les les locomotives du dépot de Séverac : 030,130,040 et surtout 032T "Engerth" série 300, puis 050T et 240T dans les années 30. (...) Des locomotives 141-TA ex-PO puis des machines diesel BB 63000 et 66000 continuèrent d'assurer le transport de marchandises (...)

Un projet de mise en place d'une exploitation touristique fut évoqué dès 1981 et l'autorail "Picasso" X-3968 fut amené à Rodez dans cette perspective. Malheureusement ce projet ne put aboutir et la ligne d'Espalion (...) fut déposée vers 1995 " ( source Sur les rails des Causses et des Cévennes De Borée Les éditions du Cabri )


Après la vente des bâtiments aux particuliers, les terrains ont été cédés aux communes concernées. Une voie verte a été créée dans le cadre d'un syndicat intercommunal.

Cette voie longue de 22,7 km part de Bertholène, traverse le causse du Comtal pour atteindre son point culminant à Bouniac, 593 m d'altitude. La descente du plateau jusqu'à Espalion représente un dénivelé de 225m sur 7km. Ce qui explique que les ouvrages d'art les plus spectaculaires se situent dans cette partie.
Au total , des courbes de 150m de rayon, des rampes maximales de 28mm/m, 6 tunnels et 5 viaducs.

C'est le trajet que nous allons emprunter mais en sens inverse, en montant d'Espalion jusqu'à Bouniac.

Départ de la gare d'Espalion aujourd'hui transformée en centre de loisirs communal...





Et c'est parti




Plusieurs ponts de ce type la franchissent

Les dégradations et les éboulements dûs à l'érosion, aux pluies, au gel, à la mousse sont à l'oeuvre ...


















malgré un entretien régulier...Quid quand les tunnels et viaducs à leur tour seront touchés ?...Je doute que celà rentre dans le budget d'un syndicat intercommunal...

On arrive au premier tunnel : Tunnel des Mathelines longueur : 125m construit en 1904

Entrée côté Espalion









Le seul à être tagué, sans doute parce que le plus près d'Espalion...





L'autre côté

Et le premier viaduc Viaduc de la Loubière longueur 103m 46 Hauteur 24m 88 construction 1905




Etant accessible par un chemin, il a été équipé pour l'escalade...








Tous ces viaducs sont difficiles à voir en entier. Seule une vue de loin permet de mieux les appréhender...

En passant, on profite de la vue sur le château de Calmont




et on traverse le second viaduc donc le Viaduc de Goudal longueur 124m90 H 30m 35 construction 1905





pour arriver au Tunnel de Goudal longueur 112 m construction 1905


L'entrée











L'autre côté

Et au même rythme on enchaîne le Tunnel de la Baume longueur 88m construction 1905






L'autre face...






et le viaduc de la Baume longueur 119 m60 H 24m27 construction 1904

Une belle ligne droite toute en montée, même si sur la photo çà ne saute pas aux yeux...




Des étourdies qui peuvent traverser sans crainte de se faire écraser...





et, on arrive "au" viaduc, le plus grand et le plus beau...




Le Viaduc des Conquettes longueur 172m26 H 28m87 construction 1905


sans commentaire, si ce n'est espérer qu'il soit préservé...quand on descend sur Espalion par la route , on ne voit que lui...

Il ne reste quasiment aucun vestige de la ligne elle-même...




Un panneau oublié...




Encore un viaduc le Viaduc du Plô longueur 158m47 Hauteur 38m57 construction 1903

Dégradation encore...





Le Tunnel de Monbel longueur 104 m construction 1902








On monte encore...enfin s'il reste des courageux qui ne se sont pas encore enfuis

pour arriver à un autre tunnel le Tunnel d'Arbrefeuille longueur 110 m construction 1903

On approche du plateau et on arrive à une maison de garde , résidence secondaire comme toutes les autres, celle-ci en cours de rénovation...





et le coeur se met à battre, surtout chez ceux qui comme moi, sans être totalement claustrophobes, ne feraient pas de la spéléologie, leur sport favori...Parce que le voilà, le "big" tunnel...

Le Tunnel de Bouniac longueur 574 m construction 1903





Et il est en courbe...Autrement dit, ne pas oublier une lampe, au milieu c'est la nuit complète...

Bon, on y va ...



Pour les imaginations délirantes comme moi, des histoires de trains fantômes traversent la mémoire...On rit...et on regarde ses pieds et le petit halo de la lampe en priant pour qu'elle ne s'éteigne pas...Claustro je vous dis...

Au passage, un schéma accroche le regard... Si quelqu'un en connait la signification ?...

Au milieu du tunnel, en pleine courbe , là où il est le moins ventilé, je vous jure qu'il flotte encore une odeur de suie et l'émotion monte...On se tord aussi les pieds sur le ballast parce qu'il en reste beaucoup dans celui-là...J'en glisse deux morceaux dans ma poche ... J'aime les pierres parce qu'elles ont tant de souvenirs en mémoire...Si elles pouvaient parler...Mais peut-être est-ce nous qui ne savons pas les entendre...

Et puis soudain...





L'expression "voir le bout du tunnel prend tout son sens"...









et çà y est il est derrière nous

Et voilà la Halte de Bouniac, on a débouché sur le plateau...







Une belle ligne droite traverse le causse vers la gare de Bozouls...Le reste du parcours jusqu'à Bertholène n'était plus qu'une formalité pour le train...





Encore un vestige...

Puisque l'étape suivante était la gare de Bozouls , la voici, à l'abandon...










Devant la gare , tous les rails n'ont pas été déposés...On aperçoit à gauche le panneau de la voie verte qui continue...

Envie de terminer par deux images...pas par hasard...

La rouille...de l'oubli...





et plus parlant que tout, aperçu au bord de la route, à hauteur de l'ancien passage à niveau, à côté de l'ex- gare de Gabriac , étape suivante après Bozouls...






Merci de m'avoir suivi dans cette ballade, pour moi , au pays de l'émotion parce que je crois qu'il y avait beaucoup de fantômes qui m'y ont accompagné, tous ceux qui ont peiné, travaillé , emprunté cette ligne...En tout cas dans mon esprit , ils étaient présents...

Bonjour Hélène,

Un grand merci pour nous avoir fait visiter ce vestige de chemein de fer.

En peu de mots et de nombreuses photos bien senties, tu as su faire passer une grande émotion. Ce style de plateforme, (je n'ose utiliser le mot ligne) est également bien présent par chez moi, comme dans bien d'autres régions de France, hélas. Et il est vrai qu'à se promener dessus, on se prend à rêver de voir surgir un train au débouché d'un tunnel, ou de l'autre côté de la courbe ou en face de nous au bout du viaduc. On peut imaginer ce qu'était le passage d'une brave 030 s'éreintant à gravir quelque pente, avec son mélange de voitures en bois et courts wagons couverts à guérite ou encore celui d'un Billard, rouge et blanc, tout brinquebalant avançant au son de sa trompe pour éloigner des animaux errants...
Toute une époque révolue qu'il ne faut pas regretter mais dont l'on se doit de se souvenir en hommage à ceux qui ont construits ces architectures, ceux qui ont conduit les trains et enfin ceux qui les ont utilisés.

Encore un grand merci

A+lbert

C'est toi que je remercie Albert, pour avoir sû comprendre ce que j'ai voulu faire passer. Il y a des sujets qui demandent un investissement temps mais aussi émotionnel, et qui tiennent plus particulièrement à coeur...et celui-ci en est un pour moi.

Alors, dans ces cas-là, avoir un retour est important, surtout quand il est constructif et sincère comme le tien...

Et puis, positif ou négatif,un avis permet de se situer...Pour moi rien de narcissique là-dedans mais pouvoir se dire qu'on progresse et que son travail et ses photos ne sont peut-être pas tout-à-fait nuls, ce que j'ai trop souvent tendance à penser...
Alors vraiment merci à toi pour ces mots là...Tu as tout résumé...

Bonsoir Hélène,

Tu n'as pas à me remercier.
Je partage tout simplement ce même sentiment que toi et qui s'appelle la passion des trains avec tout ce que cela comprend. Je pense tout simplement que l'âge aidant, on prend du recul par rapport à certaines situations, et cet âge qui avance, nous offre l'avantage de porter un regard sur les choses du passé et raviver ainsi une foule de souvenir, contrairement à la plupart de nos jeunes contributeurs qui eux n'ont qu'une vision limitée au matériel qu'ils connaissent et qui disparaît peu à peu. On ne peut leur reprocher. Eux aussi diront un jour "moi j'ai connu ce matériel, c'était en 200..." Souhaitons simplement pour eux, qu'il y ait encore dans 50 ans un réseau en dehors des LGV...

A+lbert

Porter un regard sur le passé...et même pour ce qu'on n'a pas connu je dirais Albert...Je ne crois pas que l'on puisse construire en faisant table rase du passé mais en s'appuyant dessus pour se projeter vers demain. C'est pour moi l'importance et la force de l'Histoire et la nécessité de son enseignement, comme par hasard bien dévalorisé aujourd'hui...Et rendre hommage au travail de ceux qui sont passés est non seulement une façon de les faire encore vivre mais surtout de perpétuer la chaîne humaine sans laquelle on n'existerait pas...

Bonjour Hélène

Désolé d'être bref, mais je veux simplement te dire Merci!

Bonjour Brayaud,

Certains mots se suffisent à eux-même, bien mieux que de longs discours...Simplement contente de savoir que tu as apprécié cette ballade d'un autre temps...

Brayaud a écrit:Bonjour Hélène

Désolé d'être bref, mais je veux simplement te dire Merci!

... + 1 !


Amicalement,
Daniel

Bravo reportage très instructif et que j'ai regardé avec grand plaisir.

merci...

Bonsoir Hélène,

Simplement, tout simplement pour te dire que l'émotion, tu as le don de la faire partager ... (Chut! Et c'est pour ça que je compte bien rester fidèle à ton forum! )


Amicalement,
Daniel